Le rêve n'a de limite que l'horizon des marins












 
 
 

 

Messageries maritimes
 

 Le cargo "Le Sindh" bloqué dans le canal de Suez
durant 2 mois et demi (4 juin 1967 au 11 août 1967)

Deux ennemis : la chaleur (40° dans les cabines)
et l'isolement (défense de descendre à terre)

Le Sindh, un cargo de 8000 tonnes qui revenait d'Extrême-Orient, a eu la malchance d'entrer dans le canal de Suez le 5 juin 1967, deux heures avant le déclenchement de la guerre éclair entre Israël et la R.A.U. Depuis, il est bloqué dans le canal, en compagnie de quatorze autres navires (quatre anglais, deux suédois, deux allemands, deux polonais, un tchèque, un bulgare et deux américains. Les vingt et un marins qui ont relevé leurs camarades à bord risquent d'y rester très longtemps, puisque les autorités égyptiennes refusent de rétablir la circulation dans le canal.

Les armateurs des différents pays sont évidemment forts ennuyés. Les pertes en argent sont énormes. Il y a l'immobilisation du bateau, la détérioration possible des cargaisons, la nécessité d'affecter d'autres bâtiments sur les lignes desservies par ceux qui sont immobilisés. Les armateurs ont dit aux Egyptiens : "Si vous ne voulez pas rouvrir le canal, laissez au moins sortir les bateaux qui s'y trouvent bloqués". La réponse est négative. Le Caire dit : "Impossible. Des épaves obstruent le canal".

Quoi qu'il en soit, les Egyptiens disent "non". Rappelons qu'après les opérations militaires de 1956, le canal était resté fermé pendant six mois. Les hommes du SIndh sont tannés, hâlés, brûlés.

"Le soleil, dit l'un d'eux, ce n'est vraiment pas ce qui manque. 35° dans la journée, cela fait plus de 40° dans les cabines. Les jours de vent de sable, celà devient vraiment pénible.
La plupart sont des Bretons, mais il y a aussi des Marseillais et des Flamands.

"Nous sommes arrivés à Suez le 4 juin au soir et nous sommes entrés dans le canal le 5 au matin. Tout était calme. A neuf heures la bagarre a commencé, des avions piquaient sur la rive égyptienne. J'ai cru d'abord qu'il s'agissait d'exercices mais je me suis rendu compte très vite que c'était sérieux. Les "mirages" détruisaient un aérodrome tout près de nous. Nous avons continué à naviguer comme si de rien n'était et, vers 11 heures, le convoi dont je faisais partie (quatorze cargos et une dizaine de pétrolier) a mouillé dans le grand lac Amer. C'est la procédure normale puisque les convois ne peuvent pas se croiser dans le canal. Alors celui qui vient de Suez mouille dans le grand lac pour laisser passer celui qui vient du Nord. Le lendemain, c'est-à-dire le 6 juin, un nouveau convoi venant du Nord est passé. Après quoi, nous avons reçu l'ordre d'appareiller. Malheureusement six nouveaux pétroliers venant de Suez s'étaient collés à nous. Ayant la priorité ils sont passés devant. Ils ont réussi à gagner Port-Saïd. Quant à nous, nous avions commencé à avancer, mais la nuit arrivait. Il a fallu s'arrêter. Le lendemain, on nous avisait que la navigation était suspendue jusqu'à nouvel ordre".

La cargaison du Sindh ne risque pas grand chose. Il transporte du bois, du riz, du caoutchouc, et aussi 35 tonnes de viande frigorifiée. Mais tant que les machines fonctionnent cela ne pose aucun problème. La viande peut se conserver éternellement, il en va différemment pour les bateaux transportant des marchandises périssables. Un anglais, par exemple, Le Scottish Star, a un chargement de poires et de pommes qui évidemment commencent à se gâter. Son équipage sera sans doute dégoûté des fruits pendant un bon bout de temps.

En réalité, pour les hommes, le principal problème est d'ordre moral. Il s'agit de tenir le coup, de résister à l'ennui et à la monotonie. Mais les marins semblent s'habituer assez facilement à ce genre de situation. Le moral s'est d'ailleurs amélioré depuis que le courrier a recommencé à fonctionner.

En fin le 11 août, Mr Déniel et ses 20 compagnons (les 24 autres ayant été évacués le 26 juin) abandonnèrent le "Sindh". Ils prirent le car, puis l'avions, pour regagner la France. Ils entament des permissions qu'ils n'ont certes pas volées. Quant au cargo, on ne sait encore ce qu'il adviendra de lui, le canal ayant été bouché par des épaves et des embarcations coulées après avoir été remplies de ciment.

Une partie de l'équipage du "Sindh" avait été rapatrié. Etaient restés à bords, avec le commandant Touchard, de Lorient 21 officiers et hommes dont Mrs GUEGAN (lieutenant mécanicien) de Riantec ; DENIEL (maître d'équipage) de Ploudalmézeau ; COLIN de St Cast, FROCHEN de Penmarch, LE GALL (Chef de cuisine), CARRIOU (Boulanger) et CLAIN (garçon).

 


 

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 L'équipage du "Sindh" arrivant à Orly. Les longues "vacances forcées" dans le canal n'excluent pas le passage en douane. A la sortie, les marins chargés de bagager vont gagner les gares parisiennes. Direction : Calais, Lorient, Marseille, Brest ... où les familles les attendent depuis six mois.

Les Bretons du "Sindh" bloqués sur le canal de Suez depuis le conflit israélo-égyptien sont de retour.

Mr Déniel, de Ploudalmézeau : "J'ai vu les "Mirages" israéliens déverser leurs bombes sur l'Egyptes"

Il y a quatre jours seulement, Mr Jean-Guillaume Déniel pestait contre la chaleur torride, cloitré dans son bateau mouillé entre deux rives quasi-désertiques. Aujourd'hui, il apprécie la fraîcheur de son jardin, au n° 1 de la paisible avenue de Kerlec'h à Ploudalmézeau, où il est arrivé au cours de l'avant-dernière nuit. Pour l'heure, il fauche paisiblement son trèfle.

Mr Déniel est l'un de ces marins du cargo "Sindh" une unité de 8 300 tonnes, appartenant aux "Messageries Maritimes" qui fut victime, à sa manière, du conflit israélo-égyptien. Plus précisément, il en est le maître d'équipage, le "boss" pour être plus clair, et il se souviendra longtemps de son "été brûlant" de 1967.

"La première lettre de mon épouse et de mes cinq enfants me parvint le 23 juillet, soit 48 jours après notre entrée dans le canal. Cependant les familles étaient régulièrement informées de notre situation par les soins de la compagnie. Aussi étaient-elles relativement rassurées".

"Survolés par les "Mirages !"

"Une roquette tombe à 300m du "Sindh !"

"On n'a pas mangé de chameau !"

Mr Frochen de St Guénolé-Penmarch en avait lui assez de jouer aux carte depuis 68 jours.

 

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  Photos et presse de l'époque conservés par nos soins




LE MEKONG
 

2011 (message)

"Bonjour madame, et merci de nous offrir tous ces souvenirs de la carrière de votre père.
Je pense que nous nous sommes croisés avec votre père, si nous n’avons pas navigués ensembles ?
J’ai navigué à la Djakarta Loyds, la période qui a suivi celle de Marc sur le Mékong, mais sur le Donaï.
Je suis embarqué sur ce bateau le 15 août 1965 à New York, et j’ai débarqué le 3 janvier 1967 à Dunkerque, la fin de cette aventure avec son désarmement.

J’ai sans doute effectué le plus long séjour à cette compagnie (DL), (16 mois et demi) ayant été le dernier maître graisseur de ce bateau. Le Ménam, lui avait été désarmé à Hambourg quelques jours auparavant. Le Mékong étant le seul à avoir été acquis par l’Indonésie.

Au cours de toute cette période difficile, je n’ai pas vraiment entendu parler d’épidémie de typhoïde. A la suite du décès sur le Mékong, on parlait plutôt de risques, on nous avait recommandé de ne pas boire de sodas et boissons locales, ces breuvages étant la plupart du temps confectionnés de façon douteuse, avec une eau qui avait de grandes chances d’être polluée.
Il faut faire un retour à cette période de 1965, changement de présidents (ou de dictateurs), avec le passage de Sukarno à Suharto, les militaires à tous les postes pour comprendre.
Le port de Tanjung Priok, (Djakarta) ou nous faisions de longs séjours était dans une grande misère et les conditions d’hygiène étaient comparables à celles des Indes, peut être pires en automne 1965.
Cette période avait vu une dévaluation, suivie d’un remplacement complet de la
monnaie.
J’ai beaucoup de noms de bateaux ou j’ai été embarqué, qui sont communs avec ceux des embarquements de votre père (Pascal, Malais, Kangourou, Vienne…), et j’ai passé moi aussi quatre mois sur le Sindh dans le lac Amer, mais quelques années après son immobilisation.
Je n’ai sans doute pas beaucoup fait avancer votre recherche, avec le rappel de ces quelques souvenirs.

Au revoir madame, saluez votre père de ma part.

Cordialement Daniel Guimond"


 

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